On l’imagine un brin éthérée, renfermée et mystérieuse. Mais Nolwenn Leroy est lumineuse et bavarde. À 41 ans, la star de la chanson a gagné en assurance, au point de faire ses premiers pas de comédienne.
Chemise en jean, pantalon noir, les cheveux couleur de jais tombant sur ses épaules, un citron pressé devant elle. Elle nous attend, incognito. Seuls quelques regards échangés discrètement entre une poignée de clients des tables voisines trahissent sa popularité. Depuis 22 ans, et sa sortie de Star Academy, Nolwenn Leroy a pris une place spéciale dans le cœur des Français. Et pas seulement des Bretons à qui elle a rendu un vibrant hommage dans Bretonne, un album, double disque de diamant, au début des années 2010. Désormais, c’est un tout autre refrain que cette maman de 41 ans vient défendre : celui de la nouvelle saga de TF1 dont elle tient le premier rôle, Brocéliande. Tous les chemins semblent définitivement mener à la Bretagne. « Ça ne me gêne pas d’être la Bretonne de service… » s’amuse-t-elle.
Les esprits farceurs auraient imaginé un rendez-vous dans une crêperie du quartier Montparnasse, devant une bolée de cidre mais c’est à l’hôtel Amour, un lieu gentiment branchouille du 9e arrondissement de Paris, que Nolwenn Leroy nous a donné rendez-vous. Tout simplement, argue-t-elle, parce que c’est dans ce coin de la capitale, au pied de la butte Montmartre, qu’elle a trouvé refuge quand la célébrité l’a fait passer, à l’âge de 21 ans, de l’Auvergne, où elle vivait avec sa mère et sa sœur, aux lumières des projecteurs.
“Il y a quelques années, quand je lisais les interviews que j’avais données, je me disais que j’étais profondément ennuyeuse, que ça ne me ressemblait pas.”
L’étiquette Star Academy
La jeune femme porte alors le poids des étiquettes. Celle d’une vulgaire gagnante de Star Academy à qui tout arrive trop vite, un peu artificiellement, sans vraiment l’avoir mérité. Celle aussi de la bonne élève du premier rang, studieuse et pas très fun, à qui le public des émissions de télé-réalité préférait sans aucun doute ses compagnons de route bien plus délurés et certainement plus insouciants qu’elle. « Je n’avais pas le profil… Je n’étais pas à l’aise avec moi-même, pas à l’aise devant les caméras. Et surtout, j’étais la bonne élève, qui venait de la fac, du conservatoire, qui avait appris le chant lyrique », se souvient-elle.
Une image dont elle a eu du mal à se débarrasser. « Elle a été un frein, car, dans ce métier, on attend souvent de vous que vous soyez plus extravertie. Pourtant, ceux qui me connaissent savent que, dans la vie, je ne suis pas un bonnet de nuit, je suis beaucoup plus rock’n’roll qu’on ne le pense », jure-t-elle, le regard bleu planté dans le vôtre, comme pour mieux vous convaincre.
Mais les déclarations de bonne foi ne suffisent pas à décoller les étiquettes. Et de toute façon, la jeune femme n’a cessé de cultiver une méfiance naturelle. « J’ai longtemps eu peur de l’impact que certaines de mes paroles pouvaient avoir. Ce n’était pas par manque de caractère, mais par crainte des répercussions. Et quand je lisais les interviews que j’avais données, je me disais que j’étais profondément ennuyeuse, que ça ne me ressemblait pas », reconnaît-elle dans un sourire.
Fidèle à la Fondation Abbé-Pierre
Mais aujourd’hui, à 41 ans, Nolwenn Leroy s’est libérée. Libérée de ce sentiment de devoir sans cesse faire la preuve de sa légitimité. « Il y avait une sorte de mépris de certains milieux musicaux. J’ai tout de suite commencé à écrire mes propres chansons, et malgré cela, je n’ai jamais eu ce sentiment d’appartenir à une « famille » dans le milieu de la musique. Cela m’a parfois pesé, surtout au début. » Mais ne comptez pas sur elle pour renier son passé d’académicienne du samedi soir : « Je ne regrette rien. Je me dis parfois que si je n’avais pas participé à cette émission, j’aurais quand même fait mon chemin, autrement, peut-être de manière plus classique… »
Elle le dit elle-même, elle n’a pas la carte. La carte dans un milieu où il est quand même bon de se montrer. Non, elle n’a pas été contactée pour la cérémonie des JO de Paris, mais ça lui aurait plu : « C’est sans doute une question de réseau et de timing. Mais c’est une réalité, il faut être dans la bonne famille au bon moment. Cela n’enlève rien à la valeur de ce que je fais et il n’y a aucune amertume dans mes propos : les artistes que j’y ai vus étaient tous formidables. »
SON DIMANCHE IDÉAL : « C’est la grasse matinée avec mon fils et mon compagnon, prendre le temps d’être ensemble. Puis, sortir, aller voir une expo ou quelque chose de culturel. Je trouve important de partager cela avec mon enfant. Sinon, il m’arrive d’aller courir ou de monter à cheval. J’adore marcher, randonner, être dans la nature. Le sport, c’est essentiel pour moi, autant pour le corps que pour l’esprit. »
On est loin désormais de la gamine un peu gauche qui se fermait, face aux journalistes. Aujourd’hui, la chanteuse est plutôt bavarde, chaleureuse, parle avec les mains, à l’aise, sans se censurer. Y compris quand il s’agit d’évoquer la Fondation Abbé-Pierre avec laquelle elle travaille depuis 20 ans, pour lutter contre le mal-logement. « L’œuvre de l’abbé Pierre ne doit pas être éclipsée par les accusations de violences sexuelles qui sont portées à son encontre. Ce serait terrible ! Le message de la Fondation reste plus que jamais d’actualité. Elle a toujours besoin de soutien, et je trouve que le choix de changer de nom est une sage décision. »
Pour mieux imposer son talent, Nolwenn a fait le choix de ne jamais céder à la facilité. « Quand j’ai sorti Bretonne, en 2010, certains ont pensé que c’était une démarche opportuniste de ma part, mais ce n’était ni calculé ni commercial. D’ailleurs, au départ, personne ne croyait vraiment en ce projet. » Le résultat de cette prise de risque se chiffre aujourd’hui à plus de 1 million d’exemplaires. « À l’époque, je n’avais pas d’agent, j’aurais pu peut-être faire fructifier ce succès à l’étranger mais j’ai toujours préféré avancer seule, sans manageur. C’est mon choix depuis le début de ma carrière. » La méfiance, encore !
Énigmes et serpes rouillées à Brocéliande
Sa confiance, elle l’a pourtant accordée il y a peu à l’agent Laurent Grégoire (il travaille notamment avec Isabelle Adjani) qui a pris en main sa carrière de comédienne. Un parcours qui démarre sur les chapeaux de roues puisque TF1 a décidé de lui confier le premier rôle d’une saga, un genre dont elle modernise régulièrement les ressorts depuis les années 1980. « J’ai toujours adoré ce genre de feuilletons que je regardais chez ma grand-mère », assure-t-elle dans un discours un brin trop marketé, au creux d’une conversation bien plus spontanée. Et de réciter une litanie de sagas d’été aux audiences démentielles : Orages d’été avec Annie Girardot, Les Cœurs brûlés avec Mireille Darc ou Terre indigo avec le couple Francis Huster-Cristiana Reali. Hélas, pas un mot pour Dolmen… On le regrette presque : on aurait adoré parler avec elle des scènes cu-cultes de cette autre saga bretonne de TF1, tellement on se sent à l’aise avec elle.
Dans Brocéliande, Fanny Le Goff (Nolwenn Leroy) n’est pas flic mais elle enquête quand même.© TF1
Dans Brocéliande, Nolwenn Leroy ne part pas vraiment en terre inconnue – « Même si je suis du Finistère », s’amuse-t-elle. Elle interprète, avec conviction, Fanny Le Goff, une botaniste hypercartésienne qui revient dans la forêt de son enfance, auprès de sa mère guérisseuse à plein temps, pour résoudre une énigme vieille de 20 ans, celle de la disparition de sa meilleure amie par une nuit de fête locale arrosée au chouchen. Ici, il est question de serpes ensanglantées, de campanules mystérieuses et de vieux secrets autour de la recette du kouign-amann. Non, pour le kouign-amann, on plaisante…
Nolwenn est heureuse d’avoir accepté ce rôle – « J’aime faire des choses qui ont du sens, et tourner en Bretagne, dans un lieu qui m’est cher, c’était réconfortant » – même s’il a fallu pour cela, se séparer pour la première fois de son petit Marin, 7 ans : « Devenir mère m’a permis de revenir à l’essentiel, m’a consolidée, en quelque sorte. Je pense qu’il comprend de plus en plus mon métier. C’était difficile de quitter la maison pour le tournage, car, depuis sa naissance, je n’avais envie de rien d’autre que de rester avec lui. Mais finalement, il a bien vécu la séparation, et cela m’a libérée. »
À quelques jours de la diffusion des deux premiers épisodes de la série, elle s’inquiète un peu des audiences face à l’aspirateur à téléspectateurs qu’est L’amour est dans le pré sur M6. « Si elle ne s’inquiétait pas, ce ne serait pas Nolwenn… » souligne à son sujet Alexia Laroche-Joubert, présidente de Banijay France qui produit la série. Mais que l’apprentie-comédienne se rassure : la Bretagne a eu raison des minauderies de Karine Le Marchand et de son dating bucolique, en attirant plus de 4 millions de curieux.
« Je me retrouve à un carrefour, aussi bien dans ma vie de femme que dans ma carrière artistique. J’avais envie de faire le point, de voir ce que j’avais accompli et ce qu’il me restait à faire. J’ai été très bien accueillie sur le plateau par tous les autres comédiens. » Parmi eux, Catherine Marchal, Lorànt Deutsch ou encore Marie-Anne Chazel dont le nom ne cesse de revenir dans les remerciements de la débutante. « Pour me préparer, je me suis replongée dans le théâtre en suivant des cours avec d’autres acteurs, une sorte de coaching collectif. C’était un vrai retour aux bases pour moi, car même si la chanson et la comédie sont proches, ce sont deux métiers différents. Il fallait que je sois vraiment prête pour ce rôle… » Il faut croire que les bonnes élèves ont la peau dure.